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- Un ensemble immobilier unique nécessite-t-il un permis de construire global ?
Dans le cadre d’un projet d’urbanisme pour un ensemble immobilier, la question du dépôt des permis de construire de chaque construction fait l’objet d’un contentieux récurrent.
Lorsque que des constructions sont constituées de plusieurs éléments et forment un ensemble immobilier unique, elles doivent faire l'objet d'un seul permis de construire (CE, 17 juill. 2009, n° 301615). En effet, le Conseil d’Etat a démontré, dès les années 70, que cette exigence s'imposait, en application de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, pour permettre à l'administration de prendre parti sur la globalité du projet au regard de l'ensemble des règles sanctionnées par le permis de construire (CE, 7 nov. 1973, n° 85237).
Il ne peut donc être délivrer un permis de construire pour une partie seulement d'un ensemble unique et non divisible. Ainsi la jurisprudence rappelle que la qualification d'ensemble immobilier unique doit être retenue pour une construction constituée de plusieurs éléments lorsqu'il existe entre ces éléments des liens physiques ou fonctionnels (CE, 17 juill. 2009, n° 301615), permettant d'appréhender l'ensemble comme un tout structurellement indissociable (CE, 17 déc. 2003, n° 242282 : pour un mur de soutènement, une piscine et la terrasse entourant le bassin sur un terrain en forte pente). Le lien fonctionnel est caractérisé par l’interdépendance des éléments. Il a été jugé qu’un stade et un parc de stationnement sous-jacent, compte tenu de leur conception architecturale globale, d'une assiette foncière commune aux deux ouvrages, de leur conception par le même architecte, de leur réalisation confiée au même maître d'œuvre et du traitement coordonné des espaces extérieurs devait retenir la qualification d'ensemble immobilier unique alors même qu'il y a pluralité de maître d'ouvrage (CE, 17 juill. 2009, n° 301615).
Cependant dans un arrêt de 2016, le Conseil d’Etat considère « lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique » (CE, 12 oct. 2016, n° 391092). Cette solution a été retenue pour une galerie commerciale agrémentée de garages et la réalisation de l'auvent d'une station-service : le juge administratif considère que la construction du centre commercial en cause a une vocation physique et fonctionnelle autonomes, alors même qu'il s'agit de deux surfaces commerciales, que le terrain d'assiette et l'accès sont communs à ces constructions et que les places de stationnement ne sont pas différenciées (CAA Marseille, 1re ch., 6 oct. 2016, n° 14MA04644) ; même raisonnement pour des éoliennes et un mât de mesure du vent qui ont une vocation fonctionnelle autonome et n'ont pas fait l'objet d'une conception commune (CE, 9 juill. 2014, n° 366898).
Si le principe du permis de construire global pour un ensemble immobilier unique a été largement reconnu, le Conseil d’Etat a toutefois accordé la possibilité de fractionner un ensemble immobilier unique en plusieurs autorisations d'urbanisme. En effet, s’agissant d'opération complexe, il a admis que le « maître d'ouvrage sollicite des autorisations par tranche à condition que, dès l'instruction du premier permis, l'administration ait été en mesure de connaître l'aspect définitif du bâtiment, qui ne dépendait plus de permis de construire ultérieurs » (CE, 23 déc. 1987, n° 84114).
La jurisprudence autorisera des permis distincts pour un même ensemble immobilier unique si ces éléments ont une vocation fonctionnelle autonome, que l’ampleur et la complexité du projet le justifient et que l’administration peut appréhender le projet dans son ensemble (CE, 17 juill. 2009, n° 301615).
Les conditions d’application de la possibilité d’appliquer une pluralité de permis de construire reste de l’appréciation des services instructeurs et, le cas échéant, du juge administratif.