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16 janvier 2024 Retour à la liste

Puis-je donner congé pour reprise à mon locataire d’un bien que j’ai reçu par succession ?

Civil Immobilier

Un propriétaire peut délivrer congé à son locataire pour habiter le logement à titre de résidence principale pour le terme du bail en cours (article 15, I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989).

En cas d’acquisition d’un bien occupé, lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu'à l'expiration d'une durée de deux ans à compter de la date d'acquisition (article précité).

Cette disposition vise à lutter contre la spéculation immobilière.

La question se pose de savoir quelles acquisitions sont visées, et notamment l’acquisition par voie de succession au sens de l’article 711 du Code civil.

Concernant la notice d’information que le bailleur doit joindre au locataire lorsqu’il lui donne congé, et dont le contenu est précisé en annexe de l’arrêté du 13 décembre 2017, il est utilisé l’expression « (…) lorsque le locataire change de propriétaire en cours de bail (…) ». Il est ainsi sous-entendu que l'acquisition peut se faire autrement qu'à titre onéreux, donc par succession.

Dans un avis du 28 octobre 2018, le CRIDON de Paris précise que « les dispositions relatives aux congés délivrés par les bailleurs ayant acquis un bien occupé visent exclusivement les bailleurs ayant acquis à titre onéreux l’immeuble occupé. Il n’y a aucune raison de faire application de ces textes lorsqu‘un congé est donné consécutivement à la transmission du bien par voie successorale ou par libéralité (donation, legs…) ».

La Cour d’appel de Paris a initialement considéré que ces dispositions spécifiques ne s’appliquaient pas aux biens acquis par succession (CA Paris, 12 mars 2019, n°16/17263), avant d’estimer qu’il ne ressortait pas du texte que les conditions ne s’imposaient qu’aux acquéreurs à titre onéreux d’un bien occupé et non aux acquéreurs à titre gratuit, et que statuer autrement revenait à ajouter à la loi, protectrice des droits du locataire, une condition qu’elle ne contenait pas (CA Paris, 6 octobre 2022, n°20/04688).

Quant à elle, la Cour d’appel de Grenoble a plus récemment considéré, mais s’agissant d’un congé pour vendre, que « s'il est exact que la date d'acquisition dans ce texte ne distingue pas entre acquisition par contrat et acquisition par succession, il convient de prendre en compte l'esprit du texte qui vise à éviter des ventes à caractère spéculatif, mais qui ne doit pas conduire à empêcher des héritiers de vendre le bien, ladite vente servant au demeurant souvent à payer les droits de succession » (CA Grenoble, 23 mai 2023, n°22/012877).

La question reste donc en suspend de savoir s’il convient de faire une application stricte du texte et donc de procéder, ou non, à des distinctions selon le mode d’acquisition.

 

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