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- Une preuve déloyalement obtenue est-elle recevable devant le juge civil ?
La preuve déloyale est celle recueillie à l'insu d'une personne, ou grâce à une manœuvre ou un stratagème.
L’assemblée plénière de la Cour de cassation considérait auparavant, lorsqu'une preuve était obtenue de manière déloyale, et en visant l’article 9 du code de procédure civile mais également l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qu’un juge ne pouvait pas en tenir compte (Cass. ass. plén. 7 janvier 2011, n°09-14.316).
Le principe de loyauté primait ainsi absolument sur le droit à la preuve.
Ces derniers mois ont cependant été marqués par une évolution significative de la jurisprudence.
Désormais, dans le prolongement des jurisprudences européenne et pénale française (Cass. crim. 11 juin 2002, n°01-85.559), la Cour de cassation estime que le juge civil peut tenir compte d’éléments de preuve obtenus de manière déloyale (Cass. soc. 17 janvier 2024, n°22-17.474).
Elle considère en effet que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits. A condition cependant que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Les critères de nécessité et de proportionnalité s’imposent et encadrent donc l’admission d’une telle preuve.
Enfin, la jurisprudence aligne ainsi la preuve déloyale sur le même régime de recevabilité que celui de la preuve illicite qui pouvait déjà exceptionnellement être admise au nom du même droit à la preuve (Cass. com. 15 mai 2007, n°06-10.606) en considérant que « dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats » (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023, n°20-20.648).