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- Le Maire peut-il interdire au Père Noël de garer son traineau au milieu de la chaussée ?
Un arrêté municipal autorisant le Père Noël à survoler le village, un autre arrêté interdisant le Père Noël de garer son traineau au milieu de la chaussée, ou encore un arrêté du maire rappelant au Père Noël de respecter les gestes barrières et encore plus récemment un arrêté tolérant le port de pulls de Noël moches sur l’espace public : les maires ne manquent pas d’imagination à l’occasion des fêtes de fin d’année pour faire sourire leurs administrés, ou parfois, pour subtilement faire passer des messages plus sérieux.
Mais juridiquement, qu’en est-il de la légalité de ces arrêtés de nature plutôt originale ?
Il faut rappeler que le maire dispose du pouvoir de police administrative. Ce dernier est prévu à l’article L2212-1 du CGCT, et vise à assurer le bon ordre, la sureté, la salubrité publique [1], auxquels s’ajoute le respect de la dignité humaine [2]. Ainsi, en tant qu’exécutif de la commune, ces mesures de police prises par le maire prendront matériellement la forme d’un arrêté municipal. [3]
Pour autant, ce pouvoir de police s’exerce sous le contrôle administratif du représentant de l’Etat dans le cadre d’une transmission des décisions réglementaires et individuelles adoptées par le maire. [4]
Sont toutefois exclues les décisions de police relatives à la circulation et au stationnement, et celles relatives à l'exploitation, par les associations, de débits de boissons pour la durée des manifestations publiques qu'elles organisent. [5]
À la suite de cette transmission, le déféré préfectoral contre l’arrêt peut être exercé d’office par le préfet lorsqu'il l’estime illégal. [6]
La question de savoir si le préfet est dans l’obligation de déférer spontanément a été résolue par le Conseil d’Etat, qui a considéré que les dispositions de la loi ne créent pas une obligation à la charge du préfet. [7]
Toutefois, il existe une limite à ce pouvoir discrétionnaire [8]. En effet, l'abstention du préfet peut être de nature à engager la responsabilité de l'État s'il apparaît que la carence du préfet constitue une faute lourde. [9]
Par ailleurs, un tiers lésé peut aussi demander au préfet de mettre en œuvre la procédure de déféré.
Enfin, la responsabilité de la collectivité peut être engagée en raison de l’exercice des activités de police administrative, et par conséquent, lorsqu’elle a édicté des arrêtés illégaux. La victime se doit alors de démontrer l'existence d'une faute et d’un lien de causalité entre le dommage et la faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs.
Concernant ces arrêtés ayant pour objet le père Noël, s’ils semblent de prime abord illégaux, notamment en raison des visas inventés, mais aussi au regard du contenu, il est rare que les préfets les défèrent.
Il en va de même qu’ils n’engagent pas la responsabilité de la commune dans la mesure où en réalité ils n’ont aucune incidence sur les tiers, et qu’aucun préjudice ne peut en résulter. Le préfet s’attache à l’intention du maire au moment de la rédaction de l’arrêté municipal, ayant davantage vocation à donner le sourire aux habitants que de prescrire de véritables contraintes.
D’autant plus que certains ne sont même pas transmis aux préfectures, et donc n’entrent pas en vigueur, et ne sont pas exécutoires.
[1] C - Pouvoirs de police générale du maire. Encyclopédie des collectivités locales / Chapitre 18 - Compétences des collectivités territoriales : ports, voies d'eau et liaisons intérieures Coll. Loc. – Farid BELACEL – Juillet 2021
[2] CE, 1995, Commune de Morsang-sur-Orge N° 136727
[3] Chapitre 3 (folio n°2230) - Police municipale : forces de police Coll. loc. – Pierre Bon
[4] Article L. 2212-1 du CGCT
[5]Article L. 2131-2 CGCT
[6]Article L. 2131-6 CGCT
[7] CE, 1991, Brasseur N° 80969
[8] Recours du préfet. Encyclopédie des collectivités locales / Chapitre 3 Actes des collectivités locales Antoine Bourrel ; Jean Gouridou Février 2011
[9] CE 21 juin 2000, Ministre de l'Équipement c. Commune de Roquebrune-Cap-Martin N° 202058