La réponse de nos experts

22 juin 2022 Retour à la liste

Comment distinguer l’imprévision d’une sujétion technique imprévue ?

Public Commande publique

        Afin de comprendre ce qu’est une sujétion technique imprévue, il faut tout d’abord procéder à une définition de ce qu’est l’imprévision.

        En commande publique, la conjoncture économique peut évoluer en fonction de certains éléments extérieurs et amener un prestataire à réclamer des prix de règlement supérieurs à ceux initialement prévus. Pour que la demande soit fondée au titre de l’imprévision [1], il faut que l’élément perturbateur n’ait pu raisonnablement être prévu par le titulaire du marché, mais aussi qu’il se soit imposé au titulaire indépendamment de sa volonté, occasionnant alors des charges supplémentaires. Ces charges sont le plus souvent qualifiées d’extra-contractuelles dans la mesure où elles n’étaient pas initialement prévues dans le contrat. En effet ce qui caractérise l’imprévision c’est le bouleversement de l’économie du contrat qui est apprécié par le Conseil d’Etat pas un dépassement d’environ 10% du montant du marché. A titre d’illustration, le Conseil d’Etat a considéré qu’une augmentation des charges sociales située entre 1 % et 2 % et les conséquences d'une grève de 48 jours ou de pluies ne revêtent pas un caractère exceptionnel et imprévisible [2].

       Quant à elle, la notion de sujétions techniques imprévues est une dérogation au principe de non bouleversement de l’économie du marché[3]. Concrètement, les sujétions techniques imprévues sont des difficultés matérielles, contrairement à l’imprévision, rencontrées lors de l’exécution du marché. La sujétion technique imprévue ne doit pas résulter du fait des parties, et doit être exceptionnelle et imprévisible[4]. Lorsqu’elle est caractérisée, l’avenant peut augmenter le montant du marché sans aucune limite financière.

       Il faut toutefois être attentif, puisque les sujétions techniques imprévues sont rarement admises par la jurisprudence[5]. A titre d’illustration, sont susceptibles de constituer des sujétions techniques, des contraintes inattendues liées au sous-sol, c’est-à-dire qu’il soit instable[6] ou composé de roches très dures[7]. Il peut également s’agir de conditions climatiques défavorables comme par exemple 164 jours d'intempéries alors que le niveau prévisible était de 30 jours[8]. La plupart du temps, les intempéries restent des éléments considérés comme prévisibles. C’est notamment le cas lorsque les intempéries sont supérieures à la moyenne des 30 dernières années mais que ce niveau de précipitation a déjà été atteint par trois fois [9].


[1] Dictionnaire permanent, Construction et urbanisme, Marchés publics de travaux

[2] CE, 2 juill. 1982, n° 23653

[3] Dictionnaire permanent, Commande publique, Avenant et décision de poursuivre

[4] CE, 22 déc. 1976, n° 94998 : Rec. CE, p. 575

[5] Dictionnaire permanent, Commande publique, Force majeure, sujétions imprévues, imprévision et urgence

[6] CE, 22 déc. 1976, n° 94998 CE, 9 déc. 1983, n° 18192 CAA Nantes, 2e ch., 15 avr. 1993, n° 90NT00507

[7] CAA Marseille, 3 mai 2006, n° 02MA00386

[8] CAA Lyon, 29 janv. 1991, n° 89LY00383

[9] CE, 12 mai 1989, n° 81896

© Copyright 2024 L'appel expert. Tous droits réservés.