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13 mai 2024 Retour à la liste

Un fonctionnaire suspendu à titre conservatoire peut-il être indemnisé de son préjudice ?

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Le régime disciplinaire s’appliquant aux fonctionnaires est fixé par les articles L.530-1 à L.533-6 du Code général de la fonction publique (CGFP).

En ce qui concerne la suspension d’un agent public, le CGFP prévoit que « Le fonctionnaire, auteur d'une faute grave, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline. Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement. Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. »[1]. Cette disposition codifie l’article 30 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

La suspension d’un fonctionnaire est prise à titre conservatoire. La jurisprudence précise que « la mesure provisoire de suspension prévue par l’ordonnance attaquée ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire ; qu’elle est uniquement destinée à écarter temporairement les intéressés du service, en attendant qu’il soit statué disciplinairement ou pénalement sur leur situation ».[2]

L’article L.531-2 GCFP prévoit « si, à l'expiration du délai mentionné à l'article L. 531-1, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions. Le fonctionnaire qui fait l'objet de poursuites pénales est également rétabli dans ses fonctions à l'expiration du même délai sauf si les mesures décidées par l'autorité judiciaire ou l'intérêt du service y font obstacle ».

L’agent suspendu demeure en position d’activité. En ce sens, il continue de bénéficier de son traitement indiciaire, de son indemnité de résidence et du supplément familial. L’agent a le droit au paiement rétroactif de sa rémunération correspondant à la période de suspension.[3]

Au titre de la responsabilité sans faute de la collectivité, la jurisprudence a considéré que l’agent public ne peut pas demander l’indemnisation de son préjudice à raison d’une rupture d’égalité devant les charges publiques du fait que ce préjudice ne revêt pas un caractère anormal et spécial.[4]

Toutefois, l’agent peut engager la responsabilité pour faute de l’administration lorsqu’il estime que sa suspension est illégale. Il peut demander une indemnisation de son préjudice moral et matériel.[5] Cette indemnisation ne pourra porter, en aucun cas, sur une perte de revenus liée à des indemnités de travail effectif. A titre d’exemple, les heures supplémentaires (CAA Versailles, 18 mai 2006, ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, no 04VE01208) et l’absence de paiement des gardes ne sont pas indemnisables (CE 19 oct. 2007, no 296243)

 



[1] Article L.531-1 CGCFP

[2] Conseil d’Etat, Assemblée, 13 juillet 1966, n°52641 ; 52804, Fédération de l'Éducation nationale et syndicat général de l'éducation nationale

[3] CAA Paris, 27 mai 1999, n°97PA03167

[4] CAA Douai, 26 janvier 2012, n°11DA00068

[5] CAA Nancy, 7 mai 2015, n°13NCO1877

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