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10 janvier 2023 Retour à la liste

Un professionnel de santé peut-il recevoir une libéralité de la part de son patient ?

L’article 909 alinéa 1er du Code civil dispose que : « Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci ».

Le principe de l’interdiction est ancien puisqu’il figure dans le Code civil de 1804.

Dans une décision du 29 juillet 2022, le Conseil constitutionnel a jugé le texte conforme à la Constitution (Dalloz, Conseil constitutionnel - 29 juillet 2022 - n° 2022-1005 QPC).

La requérante, une infirmière libérale qui avait soigné une personne décédée d’un cancer, faisait valoir que l’article 909 précité limitait le droit de disposer librement de son patrimoine, qui est un attribut fondamental du droit de propriété.

Les Sages ont considéré que si l’incapacité de disposer à titre gratuit constitue une atteinte au droit de propriété, le législateur a pu y apporter une limitation justifiée et proportionnée à l’objectif d’intérêt général.

D’une part, le patient qui est soigné pour la maladie dont il va mourir est à l’égard de son soignant dans une situation de particulière vulnérabilité vis-à-vis du risque de captation d’une partie de ses biens.

D’autre part, l’interdiction contestée ne vaut que pour les libéralités consenties pendant le cours de la maladie dont le disposant est décédé et elle ne s’applique qu’aux seuls membres des professions médicales, de la pharmacie et aux auxiliaires médicaux énumérés par le Code de la santé publique lui ayant prodigué des soins en lien avec la maladie dont il est décédé (EFL, Mémento Droit de la famille 2022-2023, paragraphe 63172).

A l’inverse, l’incapacité de recevoir des auxiliaires de vie instituée par l’article L. 116-4 alinéa 1er du Code de l’action sociale et des familles, avait été censurée au motif qu’elle portait « au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l'objectif poursuivi » (Dalloz, Conseil constitutionnel – 12 mars 2021 - no 2020-888 QPC).

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